Volume 6 - numÉro 1 - Septembre 2006
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NeuropsychologieFais-moi peur, maestro !Sans la musique, les attaques de requins dans Les dents de la mer et le meurtre sous la douche de Psychose sont presque banals. Ce sont les cordes nerveuses de John Williams et les violons stridents de Bernard Herrmann qui font dresser les cheveux sur la tête. « Nous savons tous que la musique fait passer les émotions, et le cinéma l’a compris depuis longtemps. Mais le lien entre le cerveau et l’émotion musicale est très difficile à mesurer scientifiquement », explique la neuropsychologue Nathalie Gosselin, qui explore cette question dans une thèse de doctorat, récemment déposée à l’Université de Montréal. Grâce à une expérience menée auprès de 32 sujets de recherche, dont la moitié avaient subi une excision du lobe médial temporal du cerveau, la chercheuse est parvenue à désigner une région, l’amygdale, qui joue un rôle névralgique dans l’émotion musicale, particulièrement dans le cas de la peur. « Des gens privés de cette structure qui sont capables d’apprécier normalement la musique joyeuse deviennent soudainement incompétents à reconnaitre une musique effrayante », dit la jeune femme. Dans ses travaux, elle a cherché à savoir comment cet analphabétisme émotif pouvait s’exprimer. En collaboration avec Bernard Bouchard, compositeur et agent de recherche au laboratoire mixte UdeM-McGill Brain, Music and Sound Research, elle s’est appuyée sur une banque de 150 mélodies gaies, tristes, paisibles ou inquiétantes jouées au piano. Conçues comme des musiques de film selon des paramètres éprouvés (tempo rapide pour les musiques entrainantes, accords mineurs pour les airs mélancoliques, etc.), les mélodies d’une durée de 6 à 10 secondes étaient évaluées par les sujets sur des échelles de 0 (émotion absente) à 9 (émotion très présente). « Nos résultats démontrent clairement que l’émotion musicale liée à la peur est rattachée à l’amygdale, car les personnes qui ont subi une excision du lobe médial temporal se trouvent privées de cette émotion, même si elles peuvent nommer les autres sans problème », affirme la chercheuse. Chez l’être humain, le fait de distinguer le caractère effrayant de la musique peut-il avoir des assises biologiques ? Nathalie Gosselin pense que oui. Les stimulus de peur sont parmi les plus significatifs de notre répertoire sonore parce qu’ils correspondent à un signal de situations dangereuses, rapporte-t-elle dans un article publié dans la revue Brain en février 2005 (cosigné par Isabelle Peretz, Marion Noulhiane, Dominique Hasboun, Christine Beckett, Michel Baulac et Séverine Samson). Par comparaison avec les sentiments moins « urgents » comme la gaité, les émotions de frayeur, qui appellent une réaction immédiate de l’individu, seraient donc plus spécialisées dans le cerveau. La musique, une forme de langage très complexe, a été utilisée dès les premiers stades de l’humanité : les peuples primitifs s’en servaient pour prévenir leurs membres du danger ou pour repousser les mauvais esprits. Mais que l’individu ait vécu au Paléolithique ou qu’il s’agisse de nos contemporains, l’apprentissage de la musique commence très tôt dans la vie. Dès le berceau, le bébé peut discerner la désapprobation dans la voix de sa mère. « Qu’elle soit acquise ou innée, la faculté de percevoir le danger lié à la musique – et les structures comme l’amygdale qui lui sont associées – a d’importantes fonctions biologiques », écrivent les auteurs de l’article. Ainsi, la musique de la voix pourrait être un support prélangagier pour la communication des émotions entre le nourrisson et la mère.
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