Volume 40 - numÉro 9 - 31 octobre 2005 |
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Parents à bout de nerfs et bébé à bout de brasStéphanie Racette remporte le prix de vulgarisation scientifique de l’ACFAS avec un texte sur le syndrome de l’enfant secoué
Chaque année, les hôpitaux canadiens diagnostiquent de 30 à 40 cas d’enfants présentant les signes du syndrome de l’enfant secoué. Près de 20% de ces enfants vont mourir des séquelles occasionnées par les violentes secousses qu’ils ont subies. «Ce syndrome est reconnaissable à trois caractéristiques, explique Stéphanie Racette: des lésions cérébrales diffuses comme un œdème provoquant un gonflement du cerveau, des traces d’hémorragie dans les couches extérieures de la méninge et des dommages oculaires dus à une hémorragie rétinienne.» Étudiante à la maitrise en pathologie judiciaire, Stéphanie Racette a remporté l’un des cinq prix de vulgarisation scientifique de l’Association francophone du savoir (ACFAS) pour son texte Quand les pleurs de bébé font craquer et qui porte sur le syndrome de l’enfant secoué. Les données de son analyse proviennent d’un stage effectué au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique, où elle poursuit ses recherches de maitrise sous la direction de la Dre Anny Sauvageau (voir l’encadré). Des blessures qui ne trompent pasLe syndrome de l’enfant secoué est reconnu en médecine depuis 1972 et constitue la plus fréquente cause de traumatisme crânien grave chez les enfants, entrainant une perte de conscience et de tonus musculaire. Stéphanie Racette s’est intéressée aux cas extrêmes qui ont causé la mort de l’enfant. «Dans presque tous les cas de décès, on trouve des lésions cérébrales et une hémorragie entre le cerveau et les méninges, précise l’étudiante. Dans 80% des cas, on découvre le troisième symptôme, soit des dommages oculaires.» Les lésions cérébrales sont engendrées par le choc du cerveau contre la paroi crânienne lors des mouvements de va-et-vient que l’enfant ne peut freiner à cause de la faiblesse de ses muscles du cou. Ces secousses provoquent des difficultés respiratoires qui à leur tour entrainent un manque d’oxygène et de sang dans le cerveau, d’où l’œdème cérébral. Les hémorragies des méninges se produisent quant à elles lorsque les veines entre la surface des hémisphères cérébraux et les couches externes de la méninge sont déchirées. Pour ce qui est des hémorragies rétiniennes, les médecins supposent, pour les expliquer, que le globe oculaire est animé du même mouvement que le cerveau pendant les secousses, ce qui mènerait à l’éclatement des vaisseaux de la rétine. «La plupart du temps, le parent se présente à l’hôpital parce que son enfant est inconscient et qu’il dit l’avoir échappé, relate Stéphanie Racette. Mais les études de biomécanique montrent qu’un tel accident ne laisse pas les mêmes séquelles que le secouage. Pressé de questions, l’adulte finit par admettre qu’il a secoué l’enfant parce qu’il était à bout de nerfs et n’en pouvait plus de l’entendre pleurer après avoir tout tenter pour essayer de le calmer.» Comble de l’incurie, certains parents recourent à cette méthode à répétition parce que, prétendent-ils, c’est la seule façon de faire cesser les pleurs du bébé! «Il l’ont fait une fois, puis ils le refont quand la situation se représente, a constaté Stéphanie Racette. Il faut bien comprendre que, si l’enfant cesse de pleurer, c’est qu’il a perdu connaissance.» Les parents les plus à risque de se rendre coupables de telles agressions sont les jeunes à faible revenu et qui ont des problèmes de consommation d’alcool ou de drogue. Par ordre d’importance, les fautifs sont d’abord les pères biologiques, suivis par les conjoints des mères, les gardiennes puis les mères biologiques. Les victimes sont des enfants âgés pour la plupart de moins de un an, mais certaines peuvent avoir trois ou quatre ans. Plusieurs sont des enfants handicapés ou prématurés. Cas d’exceptionSelon Stéphanie Racette, il est extrêmement rare que le syndrome de l’enfant secoué ne soit pas le résultat de mauvais traitements, mais il existe quelques cas documentés. On connait par exemple le cas d’un enfant qui présentait tous les symptômes du secouage violent, mais il s’est avéré que les lésions avaient été causées par une chute de marchette dans un escalier; les culbutes et les chocs répétés ont provoqué le même type de séquelles que le secouage. Dans ses travaux de maitrise visant à évaluer la validité des critères pathologiques permettant d’établir la cause d’un décès suspect, Stéphanie Racette a repéré et analysé un autre cas: un enfant aurait été brassé trop brusquement sur un manège par d’autres enfants plus vieux. L’étude de ce cas fait l’objet d’un article cosigné avec Anny Sauvageau et à paraitre sous peu. Être médecin légiste en pareille situation n’est pas toujours très gai, admet l’étudiante. «Il faut travailler en équipe et réussir à se détacher de la situation, déclare-t-elle. Mais cette épreuve devient une motivation pour bien accomplir son travail afin de contribuer à ce que justice soit faite.» L’étudiante a par ailleurs trouvé plutôt enrichissant l’exercice de vulgarisation qu’elle s’est imposé pour le concours. «Le témoignage du pathologiste judiciaire en cour nécessite de savoir vulgariser, souligne-t-elle. La maitrise de cette habileté est un atout essentiel pour le médecin légiste.» Daniel Baril Étudiante et directrice en compétition à l’ACFAS: les deux l’emportent! |
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