Volume 41 - numÉro 6 - 2 octobre 2006
|
|
||||
Le lien entre la monoparentalité et les mauvais traitements est grandNégligence parentale: le rôle du père est étudié à la loupe par des experts
Durant la nuit du 31 aout dernier, un enfant de deux ans a été trouvé dans une voiture au centre-ville de Montréal. Ce sont des passants qui ont téléphoné à la police. Les parents auraient essayé, en vain, de rentrer dans un bar avec le bambin. Ils auraient alors laissé le petit sans surveillance dans le véhicule. «Ça, c’est un bel exemple de négligence parentale, affirme Sarah Dufour. En omettant de faire quelque chose qu’il est dans leur devoir d’accomplir, les parents ont fait preuve d’insouciance à l’égard de la sécurité de leur enfant.» Spécialisée en psychologie de la famille, la jeune professeure que le Département de psychoéducation a embauchée en janvier 2006 étudie depuis quelques années la maltraitance envers les enfants. Elle s’intéresse plus précisément à la maltraitance par négligence ou omission. «La négligence constitue une forme de mauvais traitement qui se présente non pas comme une agression sur un enfant mais plutôt comme une omission dans les soins qu’il requiert», explique la chercheuse. Alors que les sévices font référence à toute forme de violence physique vis-à-vis de l’enfant (coups, mutilations, usage excessif de la force), la négligence se définit comme l’incapacité du parent à répondre aux besoins de base de l’enfant sur les plans physique (hygiène, nourriture, santé, sécurité) et psychologique (affection, stimulation). Au Québec, 51% des cas retenus par les centres de protection de l’enfance et de la jeunesse concernent la négligence, 25% la violence physique, 16% les sévices sexuels et 8% d’autres formes de mauvais traitements. 1778 cas d’enfants négligés sont étudiés En équipe avec Micheline Mayer, chercheuse à l’Institut de recherche pour le développement social des jeunes, et Chantal Lavergne, professeure associée à l’École de service social, Sarah Dufour vient de publier les résultats d’une étude sur la question des pères et de la négligence dans les structures familiales. «Les écrits scientifiques révèlent que les enfants négligés vivent surtout dans des familles monoparentales dirigées par des femmes isolées socialement et aux prises avec une diversité de problèmes sociaux et de santé. Les liens entre la paternité et la négligence sont toutefois peu documentés. Nous avons voulu en avoir le cœur net.» À partir de données tirées de l’Étude sur l’incidence et les caractéristiques des situations d’abus, de négligence, d’abandon et de troubles de comportement sérieux signalées à la Direction de la protection de la jeunesse au Québec entre octobre et décembre 1998, les chercheuses ont tenté de mieux comprendre le rôle des pères dans les situations de négligence envers les enfants. Parmi les éléments qui ressortent de l’analyse constituée de 1778 cas d’enfants négligés, une dimension occultée des statistiques habituelles: la présence paternelle, qu’il s’agisse d’un père biologique ou adoptif ou encore d’un père substitut, serait plus marquée qu’on le croit. «Contrairement à ce que suggèrent la plupart des recherches, les pères sont présents dans les situations de négligence», indique Sarah Dufour.
Par ailleurs, même si le lien entre la monoparentalité et les mauvais traitements est grand, 21 % des familles négligentes sont des familles recomposées, généralement formées d’une mère biologique et d’un père substitut, signale la professeure. Menace ou protection?Mais quand on lui demande si la présence des hommes menace ou favorise le bien-être de l’enfant, la chercheuse se montre prudente. «Ah ça, c’est la question à 100$. Malheureusement, notre enquête ne visait pas à éclaircir cette question.» Cela n’empêche pas la professeure Dufour de fournir des renseignements pertinents sur le sujet. «Des chercheurs ont observé que l’engagement paternel pouvait être un facteur de protection contre les mauvais traitements et la négligence. Mais la présence du père ne semble pas toujours être une source significative de soutien pour la mère négligente.» Les résultats de l’analyse de Mme Dufour et de ses collègues démontrent toutefois clairement que la présence du père a des conséquences à la fois positives et négatives pour la mère et pour l’enfant. «Elle est souvent liée à de meilleures conditions de vie pour la mère, souligne Sarah Dufour, mais elle est aussi associée à des conflits de garde de l’enfant et à une plus grande fréquence de problèmes de comportement, d’anxiété et de dépression chez ce dernier. Il est possible que cette situation soit imputable à la tension entre les parents.» Une chose est sure, selon la spécialiste. «Malgré l’importance de la présence des pères dans la vie des enfants, les services de protection se concentrent sur les mères tout en ignorant ou en évitant les pères biologiques et les pères substituts. Or, si le père représente un atout pour la protection de l’enfant, cette aide potentielle est perdue. À l’inverse, si le père constitue une menace, les risques peuvent être augmentés par l’ignorance de la nature des conduites à risque, de leur cible et de leur contexte.» Les conclusions de l’étude de Sarah Dufour, Micheline Mayer et Chantal Lavergne, parues en juin 2006 dans la Revue de psychoéducation, soulèvent des enjeux importants pour l’intervention sociale auprès des familles dont le signalement de négligence s’avère fondé. Dominique Nancy |
Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.