Volume 41 - numÉro 18 - 29 JANVIER 2007
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De 30 à 50 % des jeunes enfants défavorisés présentent un retard de développementJacques Moreau et des collègues ont conçu un outil pour le dépistage des retards de développement et l’élaboration de plans d’intervention
De 30 à 50 % des enfants québécois âgés de 20 à 40 mois présentent un retard de développement sur le plan cognitif. «Cela est très inquiétant. La norme attendue dans la population est de 15%», souligne le professeur Jacques Moreau, l’un des auteurs de cette importante étude menée dans trois quartiers défavorisés du Grand Montréal. Qu’entend-on au juste par «retard de développement»? On s’attend à ce qu’un enfant de trois ans, par exemple, comprenne des concepts de base comme «un cheval est un animal» ou encore qu’il puisse construire des phrases de trois mots et plus. Selon le professeur de l’École de service social, des déficits précoces quelle que soit la sphère du développement touchée sont de mauvais augure. «Lorsqu’ils commenceront l’école, ces jeunes risquent d’éprouver de grandes difficultés et de ne pas s’adapter aux demandes d’apprentissage scolaire.» Le problème est d’autant plus préoccupant, ajoute M. Moreau, que ces enfants viennent pour la plupart de familles où l’on retrouve davantage de facteurs de risque comparativement à d’autres. «Notre échantillon a été constitué de manière aléatoire, en fonction des codes postaux, dans des communautés où les taux de défavorisation sont reconnus élevés.» «C’est catastrophique. Comme société, nous n’avons pas répondu aux besoins de la famille d’aujourd’hui, surtout celle qui vit des difficultés», affirme Jacques Moreau, qui presse le gouvernement d’adopter au plus vite des programmes d’aide aux familles mieux ciblés et plus efficients. «Nos résultats indiquent que des mesures d’intervention particulières doivent être mises en place pour aider ces enfants dans leur développement. En ce moment au Québec, ces mesures sont encore trop peu nombreuses.»
L’environnement agit sur le développement Autre constatation: plus le nombre de facteurs de risque augmente au sein des familles, moins les enfants ont accès aux ressources qui pourraient les aider, par exemple les centres de la petite enfance. Ces facteurs de risque sont notamment la monoparentalité, la précarité économique et la sous-scolarisation des parents. «Paradoxalement, plus les enfants ont besoin de services de garde de qualité pour stimuler leur développement, moins ils les fréquentent», résume M. Moreau. Il rappelle qu’aujourd’hui les garderies ne visent plus «la seule convenance des parents», mais arrivent souvent à compenser des carences évidentes chez certains groupes d’enfants, notamment ceux des milieux défavorisés. Malheureusement, faute d’argent et parce que les services de garde sont souvent perçus comme «un service d’aide aux parents qui travaillent» au lieu d’être vus comme des lieux qui favorisent le développement des jeunes, les parents les gardent à la maison. Les tout-petits subissent alors les problèmes liés à leur communauté et aux conditions de vie de leurs parents.
Un parcours développemental mal soutenu L’enquête qu’il a terminée l’année dernière avec les membres de DEC n’a étonnamment pas fait grand bruit à sa sortie, en décembre 2005. Elle révélait pourtant des données troublantes en ce qui concerne le développement des jeunes enfants ainsi qu’une grande faiblesse du réseau, entre autres du côté de l’accès aux ressources et de l’intervention. À l’issue de cette recherche sans équivalent au Québec, les chercheurs ont conçu une grille d’évaluation du développement pour les enfants de zéro à cinq ans (voir l’encadré). «Notre objectif était d’outiller les intervenants de première ligne afin qu’ils puissent dépister les retards de développement et intervenir rapidement, explique le professeur Moreau. Trop de nos enfants sont sur une trajectoire d’échec à l’âge de deux ou trois ans. Si l’inaction persiste, il faudra s’attendre à ce que l’État québécois paie longtemps les pots cassés d’un parcours développemental mal soutenu.» Dominique Nancy |
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