Volume 41 - numÉro 26 - 2 avril 2007
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Il n’y a pas de recette pour gérer les accommodements à l’écoleLes directions d’école et les enseignants souhaitent une clarification des règles entourant la diversité religieuse
Contrairement à ce que laissent entendre les manchettes, les accommodements raisonnables se font généralement dans l’harmonie à l’école, qu’il soit question de port du voile, de locaux de prière ou de restrictions alimentaires. Cela dit, le milieu scolaire déplore le flou entourant l’application des accommodements. Voilà un des constats se dégageant du colloque sur la diversité religieuse à l’école publique, qui s’est tenu les 27 et 28 mars. Marie McAndrew, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’éducation et les rapports ethniques est à l’origine de l'activité. Le colloque a permis d’entendre, outre plusieurs experts, des personnes «de terrain». «Les professeurs rapportent que, nonobstant le débat sur les accommodement raisonnables, les élèves dans la salle de classe ne font pas la différence entre eux. Bien sûr, tous remarquent qu’il y a des dissemblances dans le physique, la couleur de la peau, la forme des yeux, la texture des cheveux, mais ces éléments n’interfèrent pas dans le travail quotidien. Ils ont conscience d’avoir tous accès à la même éducation et de pouvoir tous réussir», témoigne Jocelyne Veilleux, du Syndicat de l’enseignement de Champlain. Cela n’empêche pas certains accommodements d’être plus problématiques, notamment lorsqu’ils vont à l’encontre de la mission de l’école. «Il est impératif de clarifier les mécanismes de la prise de décision, de donner de la formation aux directions d’école, mais aussi au personnel enseignant, au personnel de soutien et au personnel professionnel, signale-t-elle. Les décisions prises de manière consensuelle, en se basant sur des balises justes et équitables, ne font pas la une des journaux, ne sont pas l’objet de tribunes téléphoniques et améliorent le vivre-ensemble.»
Cas d’espèce Il s’emploie à rencontrer toutes les personnes concernées afin de soupeser les arguments. «Les problèmes se règlent souvent d’eux-mêmes, note-t-il. Par exemple, des parents haïtiens ont protesté parce que leurs enfants clamaient que nous leur faisions écouter de la musique vaudou. Nous avons demandé à rencontrer les parents afin qu’ils entendent la pièce qui, finalement, s’est avérée de la musique classique africaine.» Devant les accommodements raisonnables, les directions d’école se retrouvent parfois démunies. Le professeur de la Faculté de droit de l’UdeM José Woehrling reconnait que chaque cas est un cas d’espèce. «De tels cas sont difficilement prévisibles et, donc, il n’existe pas de solution instantanée. Les directeurs ne peuvent s’appuyer sur une directive du législateur.» Confusion «Je pense que le degré de culture civique est encore assez faible au Québec parce qu’on la pratique seulement depuis une vingtaine ou une trentaine d’années, estime Mme McAndrew. Une grande confusion règne dans le débat sur les accommodements raisonnables, où plusieurs mêlent la diversité religieuse et l’immigration. Or, la diversité religieuse n’est pas le seul fait des nouveaux arrivants, mais bien souvent celui des générations suivantes, et même de la majorité.» Plusieurs intervenants ont réclamé une meilleure formation afin d’assurer un suivi pédagogique auprès de leurs élèves qui s’interrogeraient sur les raisons qui ont poussé à accommoder leurs collègues de classe. «La face cachée de la gestion des accommodements raisonnables, c’est l’accompagnement éducatif, déclare Dominic Macconail, de l’Association professionnelle des animatrices et animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire. Au-delà de la règle, il y a la vie. L’accompagnement appelle un personnel qui est formé et qualifié. Nous avons affaire à un élève, pas à un client.»
Au nom de la laïcité La laïcité, telle qu’elle est pratiquée au Québec, n’oblitère pas les religions, rappelle José Woehrling. «Le concept de laïcité ouverte est compatible avec les accommodements raisonnables, croit-il. C’est la neutralité religieuse de l’État qui exige dans certains cas que l’État fasse des accommodements. Pensez-y bien. Chaque fois qu’une mesure étatique entraine dans son application des effets favorables ou tout simplement neutres pour certaines croyances ou, au contraire, des effets défavorables pour d’autres croyances, elle ne peut plus évidemment être considérée comme neutre. Dès lors, elle viole l’obligation de neutralité de l’État.» Les participants se réuniront de nouveau le 18 avril afin de produire un ensemble de recommandations destinées aux autorités gouvernementales et scolaires et de proposer des pistes d’action concrètes. Cet effort de réflexion collective sera certainement utile aux présidents de la nouvelle commission sur les accommodements raisonnables, Charles Taylor et Gérard Bouchard, qui ont d’ailleurs assisté aux débats. Marie Lambert-Chan |
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