Pensant bien faire, les parents interdisent à leurs
bambins de toucher aux objets souillés et de porter
les jouets à leur bouche. Erreur. « Il existe
une relation inverse entre le niveau d’hygiène
et l’occurrence des allergies, explique le Dr Guy
Delespesse, professeur à la Faculté de médecine
de l’Université de Montréal et directeur
du Laboratoire de recherche sur les allergies, situé à l’hôpital
Notre-Dame du CHUM. En fait, plus un enfant évolue
dans des conditions aseptisées, plus ses risques
de souffrir d’une allergie au cours de sa vie sont élevés. »
Les mécanismes qui régissent notre système
immunitaire sont de mieux en mieux connus. Sommairement,
les lymphocytes, sentinelles de notre système immunitaire,
reconnaissent les substances étrangères.
Lorsqu’un intrus est repéré, ces lymphocytes
produisent des anticorps qui ont pour mission de neutraliser
l’agent étranger. Or, chez le patient allergique,
le système immunitaire perd la carte. « Le
patient développe une réponse immunitaire
vis-à-vis d’une composante de son environnement,
résume l’allergologue. Cependant, cette réponse
est aberrante. En effet, la composante contre laquelle
le malade s’immunise est absolument inoffensive pour
l’organisme humain. »
Pourquoi le système immunitaire se retourne-t-il
contre l’organisme, qu’il est censé défendre
? Des indices laissent croire que la flore intestinale
serait en cause. « Les recherches dans ce domaine
sont assez inusitées, observe le Dr Delespesse.
Les bactéries présentes dans nos intestins
ont pour rôle d’éduquer notre système
immunitaire. Elles lui apprennent comment réagir à l’égard
des substances étrangères. »
La flore bactérienne qui tapisse l’intestin
aurait tout intérêt à être riche
et diversifiée. Récemment, des études
ont démontré que l’administration de
probiotiques à des nouveau-nés ou à de
futures mamans au dernier tiers de leur grossesse pourrait
réduire de 50 % l’incidence des allergies
au cours des deux premières années de vie
de l’enfant. Et où trouve-t-on ces fameux
probiotiques ? « On s’en sert depuis des décennies
dans la fabrication des yogourts », répond
le chercheur.
À
ce jour, il existe un seul yogourt dont les vertus ont été scientifiquement
prouvées. Mais ne le cherchez pas au dépanneur
du coin : on ne le trouve qu’en Europe. « Si
les études préliminaires se confirment, tous
les médecins recommanderont aux futures mamans de
manger du yogourt et d’en donner à leurs nourrissons.
Un marché de plusieurs milliards de dollars s’ouvrira
aux compagnies laitières », souligne le chercheur,
qui agit lui-même à titre de conseiller scientifique
pour une de ces compagnies. Les vertus des probiotiques
semblent beaucoup moins évidentes chez l’adulte. « L’entraînement
de notre système immunitaire s’apparente un
peu à l’éducation d’un enfant,
affirme le Dr Delespesse. Plus on attend pour apprendre à lire,
plus ce sera difficile. De la même façon,
pour être efficace, la flore bactérienne doit éduquer
le système immunitaire le plus tôt possible. »
Chercheur : Guy Delespesse
Téléphone : (514) 890-8000, poste 25395
Courriel : Guy.jt.delespesse@umontreal.ca