Durant l’été 2002, Marianne Lorrain
a scruté à la loupe les multiples étapes
de la préparation d’un repas par un homme
souffrant des séquelles d’un accident vasculaire
cérébral. L’objectif : évaluer
si la réussite ou l’échec de chacune
des actions accomplies était attribuable à son
environnement et, à terme, proposer des stratégies
d’intervention ciblées. « L’échec
d’une action, comme le fait de ne pas trouver un
objet, peut avoir plusieurs causes : le sujet n’a
pas convenablement “ exploré ” visuellement
la pièce, il ne reconnaît tout simplement
pas l’objet ou il est incapable de le percevoir parce
qu’il est situé à l’extérieur
de son champ visuel. On a besoin de décortiquer
l’action dans ses moindres détails pour comprendre
tous ces phénomènes », note l’étudiante à la
maîtrise à l’École de réadaptation
de l’Université de Montréal.
L’activité a été filmée
avec une caméra vidéo, en présence
d’un neuropsychologue et d’un ergothérapeute,
dans le but de coder et d’analyser chacun des gestes
faits. Une méthode qui permet de saisir le plus
petit élément… Il faut dire que la
préparation d’un repas implique un nombre
incroyablement élevé de tâches, toutes
liées à des fonctions cognitives et perceptuelles
particulières : mémoire, reconnaissance des
objets, orientation dans l’espace, capacité de
planifier une action. Une entrevue avec la conjointe du
patient a également été réalisée. « Les
proches de ces personnes sont nos plus grands experts !
Leurs témoignages nous sont indispensables pour
comprendre ce qui se passe au quotidien. »
Selon l’étudiante, on peut accroître
l’autonomie des personnes atteintes de déficiences
cognitives en leur permettant d’accomplir, chez elles,
les activités de tous les jours. « L’idée
est d’adapter l’environnement pour les aider à exécuter
le mieux possible certaines tâches. On diminue ainsi
la charge de leurs proches et c’est extrêmement
satisfaisant pour tout le monde », explique-t-elle.
Parfois, il suffit de peu de choses pour faciliter le bon
déroulement d’une activité : modifier
la disposition des meubles, doser à l’avance
les aliments ou encore utiliser des pictogrammes pour aider
au repérage des objets. « Dans les centres
d’hébergement, on utilise de plus en plus
ce principe, mais jusqu’ici on n’avait pas étudié comment
intervenir concrètement au domicile même des
patients. »
Bien qu’il reste à la chercheuse une montagne
de données à analyser, elle a déjà dressé un
tableau général des difficultés auxquelles était
confronté son sujet : « L’homme était
très désorganisé dans ses actions.
Par exemple, il faisait systématiquement la vaisselle
chaque fois qu’il utilisait un ustensile au lieu
d’attendre la fin du repas. De plus, il oubliait
d’utiliser du savon et se contentait de rincer les
plats sans les laver. » Détails insignifiants
? Pas si l’on considère que ces petits riens
conduisent trop souvent les proches à se substituer
aux patients dans l’accomplissement des tâches
et à restreindre ainsi, bien malgré eux,
leur autonomie.
Chercheuse : Marianne Lorrain
Direction : Bernadette Ska, bernadette.ska@umontreal.ca
Téléphone : (514) 343-6111, poste 1070
Courriel : marianne.lorrain@umontreal.ca
Financement : Faculté des études supérieures
de l’Université de Montréal (bourse)