Grossesse et antidépresseurs : propos rassurants
Le 7 août 2001, une femme enceinte de huit mois,
Kimberly Rogers, de Toronto, met fin à ses jours.
Grâce à l'enquête du coroner, on apprendra
que M me Rogers souffrait d'anxiété et
qu'elle ne se conformait pas aux prescriptions de son
médecin. Depuis qu'elle était tombée
enceinte, elle avait cessé de prendre son antidépresseur,
l'amitriptyline. Paradoxalement, c'est une surdose de
ce médicament qui a causé sa mort.
Pour l'épidémiologiste Anick Bérard,
titulaire de la chaire Médicament, grossesse et
allaitement de l'Université de Montréal,
ce drame illustre un cas typique. « La plupart
des femmes qui deviennent enceintes cessent de prendre
leur antidépresseur, suivant le plus souvent la
recommandation de leur médecin. Or, actuellement,
aucune recherche ne démontre de liens entre la
prise d'antidépresseurs et les malformations congénitales.
Et les conséquences du sevrage sont parfois dramatiques. »
Au centre Info-médicaments en allaitement et
grossesse, de l'hôpital Sainte-Justine, où une équipe
de spécialistes répond annuellement à quelque
6000 demandes d'information sur la prise de médicaments
durant la gestation et l'allaitement, une majorité de
questions concernent les antidépresseurs. « Lorsqu'une
femme tombe enceinte, elle ne doit pas cesser de prendre
ses antidépresseurs, explique M me Bérard.
Malheureusement, la plupart des médecins de famille
ne sont pas au courant de cette réalité. »
Mieux renseignés, les obstétriciens sont
en général moins réticents à voir
leurs patientes poursuivre leur prise d'antidépresseurs.
Mais selon Anick Bérard, « aucun médecin
n'aime ça ». C'est ce qui expliquerait,
selon elle, que plus de 6 femmes sur 10 ne font que suivre
la recommandation de leur médecin traitant lorsqu'elles
suspendent leur traitement.
Seul bémol : ces indications ne valent pas
pour les antidépresseurs de la classe des tricycliques,
qui entraînent des effets secondaires indésirables.
Quand une femme prend ce type de médicament, elle
devrait donc en changer pour un antidépresseur
de nouvelle génération, moins toxique.
L'épidémiologiste signale que les effets à long
terme de l'utilisation des molécules psychotropes
sur le développement ultérieur de l'enfant
sont encore méconnus. Pour pouvoir établir
un lien quelconque, il faudra mener des études à long
terme avec une cohorte suffisante de mères et
d'enfants. « Dans l'état actuel des
connaissances, on mesure bien les répercussions
de la suspension du traitement durant la grossesse. Si
la femme enceinte redevient dépressive, elle risque
de souffrir de problèmes de sommeil, d'anxiété,
d'alimentation, voire de consommation d'alcool et de
cigarettes. Et les conséquences néfastes
sur le fœtus ou les effets tératogènes
de ces substances sont, eux, bien connus. »
Après avoir terminé son baccalauréat
en statistique à l'Université Laval, puis
une maîtrise en sciences cliniques à l'Université de
Sherbrooke, M me Bérard a obtenu un doctorat en épidémiologie
et en biostatistique à l'Université McGill.
Par la suite, elle a obtenu un postdoctorat à l'Université Harvard.
Au moment où l'Université de Montréal
lui a offert un poste, elle était professeure
au Albert Einstein College of Medicine de New York.
Chercheuse : |
Anick Bérard |
Courriel : |
anick.berard@umontreal.ca |
Téléphone : |
(514) 345-4931,
poste 4363 |
Financement : |
Fonds de la recherche
en santé du Québec |