Pneumonie
Un médecin qui provoque des crises d’asthme !
La pneumologue Manon Labrecque n’y va pas par quatre chemins pour diagnostiquer l’asthme professionnel : elle invite le travailleur à respirer à pleins poumons le produit allergène en cause... jusqu’au déclenchement de la crise d’asthme. « Cela paraît radical présenté ainsi, mais c’est la seule façon de démontrer scientifiquement un lien entre l’asthme et le produit allergène, explique la Dre Labrecque. Et puis, nous contrôlons minutieusement les conditions dans lesquelles l’exposition se déroule et l’expérience prend fin dès l’apparition des premiers symptômes, soit une chute de 20 % du volume d’air expiré. »
Pour prouver que les travailleurs sont bel et bien affectés par les substances qu’ils respirent sur leurs lieux de travail, la chercheuse dispose d’un laboratoire unique en son genre au pays. Situé à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, il comprend deux types de générateurs (à particules et à vapeur) et deux salles d’immersion où le sujet doit entrer afin d’être mis en contact avec le produit soupçonné de lui causer des problèmes pulmonaires. On a vu des peintres pénétrer dans ces salles avec une pièce de métal, leur pinceau et leur pot de peinture dans le but de reproduire le plus fidèlement possible leurs conditions de travail. Généralement, les expositions sont répétées sur trois jours pour une durée progressive de 5 minutes, 30 minutes et 1 heure.
La Dre Labrecque participe actuellement à un programme provincial de dépistage auprès de 4000 travailleurs de l’industrie automobile (peintres et carrossiers) afin de diagnostiquer leur asthme de façon précoce et ainsi d'en limiter les séquelles. Même si cette maladie est reconnue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, elle demeure difficile à dépister. « En France et aux États-Unis, où des tests comme ceux-ci n’existent pas, les travailleurs sont souvent très atteints quand on pose enfin le diagnostic d’asthme professionnel. Il est parfois trop tard. Ici, on peut intervenir à temps. »
Le laboratoire de l’Hôpital du Sacré-Cœur est donc perçu plutôt positivement par les syndicats de travailleurs, car il permet de préserver la santé de leurs membres. « Quand un lien est établi entre une substance et un cas d’asthme professionnel, le travailleur doit être relocalisé », indique Manon Labrecque. Plus de 200 travailleurs par an se succèdent dans ce laboratoire auquel sont aussi rattachés les chercheurs Jean-Luc Malo, André Cartier et Catherine Lemière. Au moment de notre visite, Mario Caron était entre les mains de l’équipe de la Dre Labrecque. Cet employé d’une brasserie industrielle craint d’avoir développé une allergie au houblon, car l’asthme dont il souffre depuis 12 ans l’indispose de plus en plus. Mais comme il est également soudeur, ses problèmes pourraient être liés aux métaux. « Dans le générateur à particules, nous pouvons placer différentes substances telles que de la farine, des grains de céréales, de la poussière de bois, etc. », signale Julie Vallée, technicienne de laboratoire médical. À sa troisième séance, M. Caron n’avait pas encore subi sa « crise » d’asthme.
Les peintres en voitures et les travailleurs des scieries ne sont pas les seuls à souffrir d'asthme professionnel. Les experts ont confirmé ici plusieurs cas de boulangers allergiques à... la farine. « Toute personne exposée de façon répétitive à un produit volatil peut développer de l’asthme, fait remarquer la D re Labrecque. Pour un artisan boulanger, cela peut devenir un problème sérieux. » Plus de 200 produits présents sur les lieux de travail ont été désignés comme des causes potentielles d’asthme professionnel.
Chercheuse : |
Manon Labrecque |
Courriel : |
manon.labrecque@umontreal.ca |
Téléphone : |
(514) 338-2796 |
Financement : |
Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, Fonds de la recherche en santé du Québec |
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