Trop
de bruit dans les salles de classe !
Les salles de classe des écoles québécoises
sont si bruyantes que les enfants ont du mal à comprendre
leurs enseignants. « C’est particulièrement
alarmant chez les plus jeunes enfants, de la maternelle à la
troisième année », lance l’audiologiste
Michel Picard qui, avec son équipe de l’Université de
Montréal, a parcouru de nombreuses écoles
afin de mesurer les bruits ambiants dans les salles de
classe.
Les résultats préliminaires d’un échantillonnage
réalisé au printemps 2002 dans trois écoles
de la rive sud de Montréal démontrent que
la situation est encore plus accablante que dans les écoles
qui ont fait l’objet d’études similaires
ailleurs au Canada et aux États-Unis. « Sur
un territoire comme la grande région de Montréal,
de 30 % à 45 % des écoles primaires ont été rattrapées
par le développement urbain », dit M. Picard.
Cela signifie que ces écoles sont aujourd’hui
situées dans des lieux où la pollution sonore
excède le niveau acceptable de bruit établi
par l’Organisation mondiale de la santé, soit
55 décibels (dB).
«
Dans certains cas, le son ambiant dépasse de 5 dB
la voix humaine. Les enfants doivent déployer beaucoup
d’efforts pour décoder le son avant même
de se concentrer sur la signification des mots. Le processus
d’apprentissage en souffre. » Des écoliers
ont profité du passage des chercheurs pour les prendre à témoin. « Il
y a de quoi s’inquiéter quand des jeunes,
habitués à la musique à plein régime
et aux baladeurs, se plaignent du bruit dans les classes
et nous disent : “ De grâce, faites quelque
chose, on n’entend pas nos profs ! ” »
Il existe deux sources de bruit, explique l’audiologiste
: celui engendré par les murmures et le mobilier
dans l’espace intérieur, et celui qui provient
de l’extérieur de l’école. Une
habitude veut qu’on ouvre les fenêtres pour
respirer un peu d’air frais dès les premiers
beaux jours du printemps et à la rentrée
d’automne. « Nous avons calculé que
les fenêtres des écoles étaient ouvertes
sur une période de quatre mois durant l’année
scolaire. Nous ne dénonçons pas cette pratique,
bien entendu. Mais nous avons constaté que le bruit
est alors beaucoup plus grand, et ça c’est
un problème. Sommes-nous prêts, collectivement, à sacrifier
quatre mois de conditions maximales d’apprentissage
dans une année scolaire déjà courte
? Poser la question, c’est y répondre. »
Il y a bien quelques écoles de construction récente
dotées d’un système de climatisation
qui évite au personnel d’ouvrir les fenêtres.
Mais mal entretenus, de qualité inégale, âgés,
ces systèmes sont souvent très bruyants.
L’un d’entre eux provoquait un bruit de fond
de 40 dB, soit d’à peine 15 dB de moins que
la voix humaine. Dans l’étude de M. Picard,
une école de l’arrondissement Saint-Hubert
s’est avérée particulièrement
bruyante. Il faut dire qu’elle est située à moins
de deux kilomètres d’un garage municipal,
ce qui entraîne un va-et-vient de poids lourds sur
une route située à une dizaine de mètres
du bâtiment. « L’ironie, c’est
que ce garage a été construit bien après
l’école ; on savait donc que le bruit nuirait
aux enfants. »
Chercheur : Michel Picard
Téléphone : (514) 343-7617
Courriel : michel.picard@umontreal.ca
Financement : Réseau canadien de recherche sur le
langage et l'alphabétisation