Génie biomédical

En route vers les muscles artificiels

Lorsque Sumitra Rajagopalan a découvert le principe du muscle artificiel – un hydrogel capable de se contracter avec du calcium et de se rétracter avec du sodium – elle s’est carrément écriée « Eurêka » ! « C’était en pleine nuit, se souvient-elle. Le principe m’est apparu de façon théorique en lisant des articles et je me suis précipitée au laboratoire le lendemain pour vérifier mon hypothèse. »

Ce n’était que le début d’un processus qui est loin d’être achevé, précise l’étudiante au doctorat à l’Institut de génie biomédical de l’Université de Montréal. Mais l’idée était là. « On peut penser qu’un jour on fabriquera des structures artificielles en mesure de remplacer les muscles détruits à la suite d’une maladie ou d’un accident. Évidemment, on sera encore loin de ce qu’on trouve dans la nature. Par exemple, nos muscles artificiels réagissent à des stimulations électriques de un volt, soit une puissance 100 fois trop forte. »

Dans le corps, les muscles volontaires sont des élastiques très spéciaux qui répondent aux directives du système nerveux. Ils réagissent en fonction de doses très sensibles d’éléments chimiques libérées à la suite d’un ordre du cerveau. Si l’on veut produire un de ces élastiques en laboratoire, il faut trouver le bon matériau et le bon système de communication. Or, les travaux de M me Rajagopalan ont permis de fabriquer un gel très semblable au muscle lui-même. De grands progrès ont été accomplis ces dernières années relativement aux informations intramusculaires qui amènent la contraction du muscle.

On n’est pas à la veille de vendre des muscles artificiels à la pharmacie du coin. Là où les connaissances doivent se préciser, c’est en ce qui concerne la relaxation de ce corps. Mais on avance… « C’est un secteur de recherche très excitant, car nous sommes au carrefour de la biomécanique, de la chimie et des sciences biomédicales », s’exclame-t-elle. À preuve, l’intérêt que revêtent ses recherches pour des experts en robotique. Des muscles artificiels pour des robots « intelligents » ? On se rapproche du fameux cyborg.

D’origine indienne mais née à Hong-Kong, où son père occupait un poste de diplomate, Sumitra Rajagopalan a un parcours inusité qui passe par plusieurs pays d’Europe et d’Asie avant d’aboutir au Canada. C’est à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg qu’elle s’emballe pour les matériaux intelligents. Les cours de chimie macromoléculaire du professeur Alexandre Bilibin sont à l’origine de cet engouement. Constatant l’enthousiasme de l’étudiante, le professeur la recommande à un de ses collègues de l’institut Pavlov. Elle s’y rend pour plonger dans l’univers encore balbutiant des polymères programmables. Elle est fascinée d’apprendre que c’est dans ces murs que le physiologiste Ivan Pavlov a mené ses recherches sur le réflexe conditionné du chien en 1903. Son travail de fin d’études sur les biocapteurs lui ouvre la voie de la maîtrise, qu’elle entreprendra au Département de chimie de l’Université de Montréal sous la direction de Julian Zhu. Ce chercheur, qui travaille sur les polymères thermosensibles, lui permettra de mettre au point un matériau prometteur. « Quand on observe le corps, on note au moins six étapes entre la stimulation électrique et le mouvement musculaire, signale la chercheuse. Nous ne parviendrons pas à égaler la nature dans son raffinement et sa précision. Mais mon but est tout de même de trouver un moyen de concevoir un muscle capable de se relier adéquatement au corps et de jouer son rôle de prothèse. »

 

Chercheuse : Sumitra Rajagopalan
Courriel : sumitra.rajagopalan@umontreal.ca

 

 


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