Sciences biologiques
Des moules d’Abitibi comme « espèces
sentinelles »
Dans les régions minières, les panaches
des cheminées industrielles libèrent dans
l’atmosphère différents métaux
qui se répandent dans les lacs. Tous ne sont pas également
toxiques. Le nickel, le plomb, le zinc et le cuivre le
sont moins que le cadmium, presque aussi toxique que le
mercure. Le cadmium s'accumule dans les sédiments
des lacs et peut avoir des effets néfastes sur les
invertébrés.
Pour mesurer le niveau de contamination de l’eau
par le cadmium, l’équipe de Bernadette Pinel-Alloul,
chercheuse au Groupe de recherche interuniversitaire en
limnologie et en environnement aquatique (GRIL) et professeure
au Département de sciences biologiques de l’Université de
Montréal, a choisi comme espèce sentinelle, Pyganodon
grandis, la grande moule d'eau douce, qui filtre l'eau
et retient ainsi le cadmium. L'équipe a adopté une
approche à plusieurs échelons biologiques,
de la cellule aux populations.
Olivier Perceval, étudiant au doctorat, s'est
intéressé à l’état de
santé des populations de bivalves (densité,
biomasse, taux de croissance, productivité, etc.)
soumises à différentes concentrations de
cadmium. « Lorsque la concentration ambiante
de cadmium est élevée, les bivalves sont
moins nombreux et se reproduisent moins bien »,
résume le jeune chercheur.
Dans les lacs les plus contaminés (lacs Vaudray
et Héva), la densité des bivalves était
de 0,03 individu par mètres carrés mais
pouvait atteindre 1,5 individu par mètre carré dans
les lacs non contaminés (lac Opasatica). Cela fait
plus de 10 ans que les chercheurs du GRIL collaborent avec
leurs confrères de l'INRS-Eau, terre et environnement
pour évaluer les effets de l'accumulation de métaux
sur les invertébrés aquatiques tels les bivalves
ou les larves d'insectes. Depuis 1989, l'équipe étudie
les conséquences des rejets des industries minières
dans la région de Rouyn-Noranda, en Abitibi, en
effectuant des relevés dans une dizaine de lacs
situés en amont et en aval de l’effluent atmosphérique
de la fonderie.
Parmi les métaux toxiques présents dans
l’environnement, le cadmium inquiète d'autant
plus que ses effets sont difficiles à mesurer. Une
protéine, la métallothionéine, pourrait
bien donner un coup de pouce aux écologistes. « Avec
ce marqueur biologique ou biomarqueur, il est possible
d'estimer le cadmium biodisponible dans un lac, de mesurer
ses effets toxiques potentiels et de faire une corrélation
avec le niveau de contamination ambiant », explique
Bernadette Pinel-Alloul, une des auteurs du chapitre « La
métallothionéine : un biomarqueur d'exposition
au cadmium pour les invertébrés d'eau douce »,
paru récemment dans le livre Écotoxicologie
moléculaire aux Presses de l’Université du
Québec.
On avait déjà testé les effets toxiques
du cadmium sur plusieurs espèces de bivalves en
laboratoire. Restait à les évaluer en milieu
naturel, ce à quoi cette étude s'est employée.
Cette protéine permettra donc de mieux cerner le
potentiel toxique d'un contaminant métallique, ce
qui se révèle impossible en étudiant
simplement son accumulation dans les sédiments.
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