Profil des adolescents fugueurs
Qu'est-ce qui distingue un jeune fugueur d'un autre
jeune fugueur ? Les travaux de Marie Robert, chercheuse
au Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la
santé et de la prévention de l’Université de
Montréal, viennent éclairer la dynamique
de la fugue chez les adolescents. Il y aurait deux profils
types de fugueurs : les fly to (ceux qui
partent vers la nouveauté et l'aventure) et les fly
from (ceux qui fuient la maison familiale). « La
rue ne représente pas la même chose pour
tous les fugueurs. Pour certains, c'est l'aventure. Pour
d'autres, c'est un refuge », annonce Marie
Robert. Elle a d'ailleurs publié un article sur
ces deux profils types dans la revue Child Abuse & Neglect,
en février.
Plus impulsifs, les fugueurs du premier groupe, les fly
to, sont majoritairement des garçons atteints
de troubles du comportement — délinquance
mineure, consommation de drogue — et qui possèdent
un réseau de pairs déviants. Le second
profil, les fly from, englobe les jeunes filles
qui subissent des mauvais traitements à la maison,
mais qui ne souffrent pas de troubles de conduite et
dont le réseau n’est pas déviant.
Dans les centres jeunesse, ils sont pourtant traités
de la même manière. « L'orientation
est donc ici problématique. Avec le risque que
le problème de la maltraitance soit occulté,
qu'on fasse comme s'il n'existait pas, dans un encadrement
inadéquat », souligne la chercheuse.
Dans une vaste étude de cohorte, Marie Robert
s'est plus particulièrement attachée au
volet « fugue, itinérance et insertion
socioprofessionnelle ». Ses données
ont été collectées auprès
de 130 adolescents fugueurs, de 12 à 17 ans, issus
de quatre centres jeunesse du Québec (Côte-Nord,
Estrie, Montréal et Québec). Elles portaient
sur les 12 mois précédant la prise en charge,
la période durant laquelle les jeunes avaient
fugué. Mauvaise relation avec les parents, abandon
scolaire, la chercheuse a tenu à examiner les
dimensions personnelle, familiale et sociale de la vie
de ces adolescents pour tenter de déterminer quels
facteurs expliqueraient la fugue. Les jeunes et leurs
parents ont rempli plusieurs questionnaires destinés à retracer
les événements importants survenus au cours
de l'année précédente. Marie Robert
a ainsi mis au jour les deux profils caractéristiques
qui englobent 82 % des jeunes fugueurs.
L'un des facteurs dans sa ligne de mire est la violence
parentale. De manière générale,
les parents déclarent moins les gestes d'agression
et ont tendance à minimiser leur violence. « Il
existe un écart entre les témoignages des
adolescents et ceux de leurs parents. Les données
parentales montrent un taux de violence inférieur à celui
déclaré par les jeunes », dit
Marie Robert. Malgré tout, et sans surprise, lorsqu'elle
compare les fugueurs avec les non-fugueurs, elle relève
plus de violence déclarée par les parents
et les adolescents dans les foyers quittés par
les jeunes. Utilisant la Conflict Tactics Scale (une
méthode de calcul couramment employée en
psychologie), le groupe de recherche a tenté d'évaluer
le niveau de violence. Premier constat : des coups
au dénigrement, deux formes de violence cohabitent. « La
violence psychologique et la violence verbale vont de
pair. Dans les milieux violents, les jeunes subissent
souvent les deux en même temps », précise
Marie Robert. Ces familles sont toutefois elles-mêmes
issues d'une population à risque où règnent
des problèmes d’ordre affectif, socioéconomique,
de consommation de drogue, etc.
Chercheuse : |
Marie Robert |
Courriel : |
marie.robert@umontreal.ca |
Téléphone : |
(514) 343-6193 |
Financement : |
Centre national de
prévention du crime du Canada |