L’herbiothécaire de Montréal
Le plus gros herbier universitaire du Québec – le
troisième en importance au Canada - loge dans
les locaux de l’Institut de recherche en biologie
végétale de l’Université de
Montréal, situé au Jardin botanique de
Montréal. Rangés dans d’immenses
armoires sur rail, les quelque 800 000 spécimens
de l’herbier Marie-Victorin font la fierté de
Stuart Hay, le conservateur adjoint qui veille à la
bonne marche de l’herbier depuis plus de 25 ans.
Même si la gestion d’un herbier n’est
pas une mince tâche, et que son conservateur est
bien occupé à gérer les prêts,
informatiser la collection et incorporer les spécimens
qui proviennent d’échanges, de cueillettes
ou de dons, Stuart Hay parvient à faire lui-même
de la recherche. En repérant des spécimens
d’herbiers mal identifiés, il a découvert,
sans avoir à se déplacer, une dizaine de
nouvelles espèces pour le Québec et Terre-Neuve
qui ont fait l’objet de publications scientifiques.
Au même titre que le recteur, le botaniste peut
affirmer qu’il n’y a personne d’autre
qui exerce la même fonction que lui à l’Université !
En fait, il est difficile d’imaginer un métier
plus rare que celui de Stuart Hay, puisqu’au Québec
il existe tout au plus cinq conservateurs d’herbiers.
Pour expliquer son travail méconnu, le botaniste
se compare parfois à un bibliothécaire. « Je
suis un ‘’herbiothécaire’’,
lance-t-il à la blague, puisque une part importante
de mon travail consiste à gérer des prêts
de spécimens entre herbiers ; un spécimen,
c’est comme un livre qu’on peut consulter
ou emprunter. »
Stuart Hay prête en effet régulièrement
des spécimens à des chercheurs de pa rtout
dans le monde qui tentent d’élucider la
classification au sein de différents groupes de
plantes. Il en emprunte également à d’autres
herbiers ; pour écrire quelques chapitres de La
flore du Québec / Labrador nordique, un ambitieux
projet à pa raître en 2005 et qui viendra
en quelque sorte compléter la célèbre Flore
laurentienne du frère Marie-Victorin, le
chercheur a dû valider l’information de plus
de 2000 spécimens issus de différents herbiers
canadiens. « Pour réaliser cette flore,
précise le botaniste, il aurait fallu envoyer
une équipe de botanistes pour couvrir le territoire
qui s’étend au nord du 54 e parallèle,
soit le Nunavut (au Québec) et la péninsule
du Labrador. Il était tout indiqué de tirer
profit de la mine d’informations – identification,
date de cueillette, localisation et habitat – retrouvées
sur les spécimens d’herbiers produits par
les botanistes qui ont visité ce territoire peu
connu du temps de Marie-Victorin. »
Référence incontournable en matière
de plantes indigènes et amoureux des milieux naturels,
Stuart Hay a aussi fait d’importantes découvertes
sur le terrain. Comme Oreopteris limbosperma,
une fougère rare qui, au Canada, n’avait été observée
que dans les Rocheuses et qu’il décrit comme
sa plus belle découverte botanique. C’était à l’occasion
d’un voyage à Terre-Neuve en compagnie de
son collègue André Bouchard , au cours
d’une journée de terrain imprévue,
soit en attendant qu’une brume épaisse se
dissipe et que l’hydravion puisse venir les chercher
sur les hauts plateaux du Parc national de Gros-Morne
! Les nombreux voyages sur le terrain ont d’ailleurs
permis à Stuart Hay et à ses collègues
André Bouchard et Luc Brouillet de produire les
premières listes de plantes rares du Québec
(en 1983) et de Terre-Neuve (en 1991), deux réalisations
d’envergure.