« Pédiatrie interculturelle » à Sainte-Justine
Selon une étude menée en 2002 par Annie
Gauthier, étudiante en anthropologie à l’Université de
Montréal, plus de 40 % des patients qui se présentent à l’urgence
de l’hôpital Sainte-Justine sont des immigrants
de première génération. Or,
pour mieux tenir compte de cette situation, l’hôpital
a lancé le concept de « pédiatrie
interculturelle ». « Dans notre
formation médicale, il y avait peu de place pour
la prise en compte des différences entre les personnes
qui recevaient nos soins de santé, se rappelle
le D r Fernando Alvarez, directeur du service de pédiatrie
de l’hôpital universitaire pour enfants.
Dans le contexte actuel de la diversité culturelle,
nos diagnostics, nos approches thérapeutiques
et notre discours ne sont plus adaptés. »
Pour se donner des moyens, les médecins ont
accueilli dans leur hôpital des anthropologues
médicaux chargés d’approfondir cette
question en vertu du nouveau contexte. Une dizaine d’étudiants
en anthropologie ont été jumelés à autant
de pédiatres afin d’effectuer des études
sur les rapports entre médecins et patients d’origine étrangère.
Et selon les partenaires de cette « alliance
thérapeutique », comme ils l’appellent,
la barrière des langues ne constituerait pas le
principal obstacle. « Quand une mère
haïtienne vous dit que son bébé de
45 jours a le mauvais sang, il faut savoir interpréter
ses paroles, explique le médecin. Elle peut dire
par là qu’elle est elle-même angoissée
et que l’allaitement pose certains problèmes. »
Le D r Alvarez, originaire d’Argentine, a lui-même
connu l’expérience de l’immigration
puisqu’il a vécu en France et aux États-Unis
avant de s’installer au Québec en 1992.
Il est donc très sensible à cette question
de la diversité culturelle et de ses implications. « Quand
une mère vous confie son enfant, on ne peut pas
agir de la même façon si elle vient d’Amérique
latine, d’Afrique ou de la Beauce, au Québec.
Il faut apprendre à adapter son intervention. »
Quand l’anthropologue Gilles Bibeau a suggéré cette
collaboration, il y a deux ans, il a donc accepté avec
empressement. « L’alliance thérapeutique,
indique-t-il, cherche à mettre le parent, l’enfant
et le médecin sur la même longueur d’onde.
Nous défendons une médecine profondément
humaniste. C’est pourquoi le regard que porte l’anthropologie
nous est si précieux. » Les quelque
150 spécialistes du Département de pédiatrie
de l’Université de Montréal sont
invités à se sensibiliser à la pédiatrie
interculturelle et 10 participent aux travaux de recherche
en anthropologie médicale à titre de codirecteurs.
Le D r Alvarez, par exemple, qui est un spécialiste
de la transplantation hépatique, supervise une
recherche sur les enfants qui subissent ce type d'intervention.
Un bon exemple de l'apport de la pédiatrie interculturelle
est la collaboration établie avec la communauté crie. À trois
reprises, alors que la coopération entre des parents
et le personnel soignant était difficile, il est
arrivé qu’on exige de rencontrer le chef
de bande. Celui-ci est venu du nord du Québec
pour s’entretenir avec le médecin et ses
collaborateurs. « Nous lui avons expliqué l’importance
du respect de la médication pour le succès
du traitement. En devenant responsable de cet enfant,
il a pris son travail très au sérieux et
est intervenu auprès des parents. Dans chaque
cas, le résultat a été très
positif. »
Chercheur : |
Fernando Alvarez |
Courriel : |
fernando.alvarez@umontreal.ca |
Téléphone
: |
(514) 345-4626 |
Financement : |
Fonds de la recherche
en santé du Québec |