Nutrition
La génération « surgelés »
Au cours de l’été 2004, 15 hommes
de 18 à 24 ans vivant seuls ou avec un colocataire
ont reçu deux appareils photo jetables et une
mission très spéciale : prendre des
clichés de tout ce qui témoigne de leur
rapport à la nourriture. Un « clic » dans
le frigo, un « clic » dans le garde-manger,
un autre au-dessus de leur cuisinière, de leur
assiette, dans la pièce des repas... Même
les contenants où sont déposés les
ordures et les objets destinés au recyclage ont été photographiés.
« Une photo dit beaucoup plus que des mots.
Elle permet entre autres de connaître les comportements
alimentaires des sujets, le type de plats qu’ils
préparent, la grosseur des portions et l’hygiène
dans la cuisine », signale la nutritionniste
Marilyn Manceau, étudiante à la maîtrise à l’Université de
Montréal. Sans compter que les hommes, habituellement
peu bavards en matière culinaire, sont plus loquaces
lorsqu’ils commentent des photos qu’ils ont
prises eux-mêmes.
C’est avec sa directrice de recherche, Marie
Marquis, professeure au Département de nutrition,
que l’étudiante a eu l’idée
de cette méthodologie inusitée pour observer
les mœurs alimentaires des jeunes hommes qui vivent
en appartement à Montréal. « Les
jeunes hommes constituent une population malheureusement
peu connue des nutritionnistes, explique l’étudiante.
Ils sont donc peu ciblés par les campagnes de
sensibilisation à une saine alimentation. »
Pourtant, ajoute-t-elle, de mauvaises habitudes alimentaires
adoptées tôt dans la vie peuvent entraîner à long
terme des problèmes de santé sérieux :
obésité, diabète de type 2,
maladies cardiovasculaires, cancers, etc.
Bien que l’analyse des données ne soit
pas terminée, M me Manceau a déjà observé certaines
tendances chez les sujets étudiés. « La
plupart ont l’habitude de l’alimentation
rapide et cela paraît, commente-t-elle. Le temps
de préparation doit être limité au
maximum. » Chez cette génération
très portée sur le surgelé et le
prêt-à-servir, les doigts de poulet pané,
hamburgers, hot-dogs, pogos accompagnés de frites
et arrosés de boissons gazeuses sont des vedettes
incontestées. Mais certains jeunes, et pas nécessairement
les plus scolarisés, apparaissent un peu plus
sensibilisés à une alimentation équilibrée.
Ces mêmes sujets sont aussi plus physiquement actifs
et financièrement plus à l’aise.
Le projet de recherche de Marilyn Manceau a été financé par
la Montreal Ottawa New Emerging Team, créée
par les Instituts de recherche en santé du Canada
au printemps 2003 afin d’étudier les déterminants
métaboliques, génétiques et comportementaux
de l’obésité. Ce groupe rassemble
des chercheurs en nutrition et en kinésiologie
de l’Université de Montréal et de
l’Université d’Ottawa.
Il serait intéressant de mener cette expérience
auprès des filles du même âge pour
comparer les habitudes alimentaires des deux sexes. Mais
avec 15 entrevues et des centaines de photos, la jeune
femme en a plein les bras. Marilyn Manceau espère
déposer son travail dirigé de maîtrise à l’été 2005.
Chercheuse : |
Marilyn Manceau |
Courriel : |
marilyn.manceau@umontreal.ca |
Téléphone
: |
(514) 343-6111, poste
1-5494 |
Financement : |
Instituts de recherche
en santé du Canada |
|