Biologie végétale
Reboiser Boucherville
Sur l’île Grosbois, à l’est
du parc national des Îles-de-Boucherville, un véritable
laboratoire à ciel ouvert a vu le jour au printemps
2004. Dans trois secteurs d’un ancien champ de
maïs, les botanistes Étienne Laliberté et
Alain Cogliastro, de l’Université de Montréal,
ont planté en mai dernier près de 1300 arbres.
Les petites pousses de chênes à gros fruits,
de frênes d’Amérique, d'érables
argentés et de peupliers deltoïdes sont sous
haute surveillance depuis. Les stratégies
de reboisement de ce lieu, comme de l’ensemble
de la plaine du Saint-Laurent, pourraient bénéficier
des connaissances acquises ici.
« D’ici l’automne 2005, nous
devrions être en mesure de déterminer les
essences les plus appropriées aux opérations
de reboisement, et surtout les techniques à privilégier »,
remarque Alain Cogliastro, professeur associé à l’Institut
de recherche en biologie végétale du Département
de sciences biologiques. « Le but n’est
pas de reproduire la forêt telle qu’elle
existait avant Christophe Colomb mais de produire rapidement
une forêt fonctionnelle. Nous voulons donner un
petit coup de pouce à la nature »,
précise Étienne Laliberté, qui consacre
sa maîtrise à ce projet.
Sur ce territoire, les contraintes ont favorisé la
créativité. La verge d’or, le chiendent
et le chardon ont rapidement colonisé le sol lorsque
les agriculteurs ont abandonné leurs terres en
2001. Ces espèces envahissantes ont laissé bien
peu de place aux essences qui composent normalement une
forêt. C’est pour cette raison que le travail
des spécialistes est si prometteur. « Pour
reboiser, la technique traditionnelle consiste à passer
le terrain au bulldozer ou à l'arroser d’herbicides.
Comme nous sommes dans un parc national, nous devions
procéder autrement », reprend M. Cogliastro.
Aucun pesticide donc, aucune manœuvre de véhicule
lourd pour débarrasser le champ des végétaux
qui ont proliféré. Deux approches « écologiques » ont été expérimentées autour
des plantations divisées en trois parties. Dans
la première, on a planté les tiges à l’intérieur
de manchons de toile ; dans la deuxième on
a construit un exclos de broche ; et la troisième
a été laissée telle quelle, sans
aménagement. Le tiers des arbres a été mis
en terre dans un cylindre de toile qui laisse passer
la lumière mais pas les rongeurs ; un autre
tiers est à l’abri des grands mammifères
susceptibles de venir brouter le feuillage ; et
le dernier tiers sert de culture témoin.
Sur le terrain, les botanistes font part à haute
voix de leurs impressions. Ces jeunes frênes semblent « mieux
performer » que les chênes et les plantes
sont apparemment plus vigoureuses en exclos que dans
les manchons. Les chercheurs se penchent sur un plant
en pleine santé. « Cet érable
a poussé de près de 20 cm en quelques
semaines. Bonne nouvelle », annonce l’étudiant.
Mais il faut se méfier des impressions :
tout cela sera analysé de façon scientifique à la
fin de la période végétative. Et
une autre analyse sera effectuée l’an prochain
et au cours des années suivantes.
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