Optométrie
Le nombre d’aveugles doublera en 20 ans
Selon le directeur de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, Jacques Gresset, le nombre d’aveugles et d'hommes et de femmes atteints de déficiences visuelles s’accroîtra de 52 % d’ici 2026 au Canada. Chez les gens de 75 ans et plus, cette hausse atteindra 72 %. « Un phénomène préoccupant compte tenu des coûts sociaux et humains de la cécité », commente-t-il.
En effet, selon l’Institut national canadien pour les aveugles, les personnes qui ont perdu la vue sont admises dans des centres d’hébergement et de soins de longue durée trois ans plus tôt que les gens du même âge dont la vision est intacte. Le nombre de chutes qu’elles subissent est multiplié par deux ; l’incidence de la dépression est trois fois plus élevée et les fractures de la hanche sont quatre fois plus fréquentes. Mais le plus grave, c’est que le taux de mortalité chez les personnes âgées aveugles est deux fois supérieur à celui de la population voyante du même âge. L’expert participait en février 2004, à Toronto, à une rencontre nationale sur les coûts de la cécité. La réunion de l’Institut national et de ses partenaires faisait suite à une résolution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) adoptée dans la foulée d’une initiative internationale visant à prévenir ce problème méconnu qui touche l'ensemble de la planète. Le rapport qui vient de paraître indique que le Canada a signé la résolution de l’OMS mais n’a encore rien fait de concret pour s’attaquer au problème. « Et le temps passe », peut-on lire dans l’introduction.
Actuellement, les coûts de la réadaptation liés à la cécité et aux déficiences visuelles sont assurés par la Régie de l’assurance maladie du Québec. L’Ontario offre aussi une protection significative, mais les autres provinces canadiennes ne couvrent pas tous les frais. Quand on pense que la cécité entraîne pour chaque personne qui en est atteinte des pertes évaluées à 22 000 $ par année, on s’inquiète de l'aggravation de cette situation dans un contexte de compressions budgétaires. « La perte de la vue a longtemps été négligée par les autorités publiques, indique M. Gresset. Je crois qu’il serait temps qu’on s’y arrête, le temps de mettre en place des mesures préventives. »
M. Gresset, qui étudie l’épidémiologie de la déficience visuelle depuis trois décennies, rappelle qu’on peut très souvent traiter les problèmes oculaires avant qu’ils mènent à la perte irréversible de la vision. « Dans 75 % des cas de perte de la vision, on aurait pu prévenir la détérioration soit par la chirurgie, soit par la prise de médicaments. La cécité est liée à l’âge, elle est souvent la conséquence d’une suite de négligences. »
La perte de la vision touche une personne âgée de 65 ans sur neuf et cette proportion grimpe à une sur quatre 10 ans plus tard. Sont responsables de cet accroissement la dégénérescence maculaire, la rétinopathie diabétique, le glaucome et la cataracte. De façon assez étrange, on arrive difficilement à dénombrer les personnes qui souffrent de cécité ou de déficiences visuelles au Québec. Au Canada, il y aurait 68 000 aveugles et 319 000 handicapés de la vue. « Chose certaine, à cause du vieillissement de la population, il y aura un boom démographique parmi les gens atteints de déficiences visuelles », affirme le spécialiste. On parle de cécité lorsqu’une personne obtient moins de 6/60 au test d’acuité visuelle avec le meilleur de ses deux yeux. La vision est jugée déficiente lorsque le sujet obtient moins de 6/21.
Chercheur : |
Jacques Gresset |
Courriel : |
jacques.gresset@umontreal.ca |
Téléphone : |
(514) 343-6948 |
Financement : |
Institut national canadien pour les aveugles |
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