Santé : attention à la discrimination
en fonction de l'âge
Une équipe de chercheurs canado-américains
a demandé à des représentants du
public mis en situation d'adopter ou de rejeter des budgets
pour différentes interventions en fonction de
l'âge moyen de patients : 35 ans ou 65 ans.
De façon très nette, ils ont favorisé les
jeunes lorsqu'il était question de traitements
contre l'infertilité ou de transplantation d'organes.
Pour le traitement de la dépression ou les soins
palliatifs, l'âge n'apparaissait cependant plus
comme un critère déterminant.
« Pour eux, l'âge n'était pas
un facteur à considérer par rapport à certains
types de soins », explique Mira Johri , professeure
au Département d'administration de la santé de
l'Université de Montréal. Selon la majorité des
147 répondants de cette enquête (tous des
Américains recrutés à l'Université du
Michigan), il faut tenir compte de l'âge des patients
lorsqu'il s'agit d'interventions qui sauvent des vies,
mais les hôpitaux ne devraient pas priver les personnes âgées
de traitements destinés à améliorer
la qualité de vie.
En économie de la santé, on évoque
le coût élevé de certains soins pour
les refuser aux gens âgés, compte tenu du
nombre d'années qui leur reste à vivre. « Les économistes
préconisent deux approches, explique M me Johri.
La première se base sur la productivité en
fonction de l'âge (agism productivity) ,
c'est-à-dire qu'on tient compte de la productivité sociale
et économique des patients ; la seconde s'appuie
plutôt sur la distribution équitable des
soins sans considération pour la productivité. »
Les conclusions de cette enquête pourraient ébranler
l'économie de la santé, où l'on élabore
beaucoup de mesures en fonction de l'efficience et de
la productivité. « Les analyses coûts-avantages
donnent lieu à une évaluation où l'on
tente de mesurer toutes les retombées associées à différentes
options et de trouver la combinaison de programmes qui
maximisent l'ensemble, peut-on lire dans le rapport.
L'âge peut être un facteur déterminant
parce que les patients plus âgés sont moins
susceptibles de bénéficier sur une longue
période d'une intervention que les patients plus
jeunes. »
La chercheuse, qui a étudié l'éthique
et la philosophie politique à l'Université McGill
avec Charles Taylor avant d'être engagée
par la Faculté de médecine de l'Université de
Montréal, se penche depuis longtemps sur les sondages
d'opinion relatifs aux politiques de santé. Elle
y a noté des failles. « Dans ces sondages,
l'opinion publique favorise largement le traitement des
personnes plus jeunes, explique la chercheuse. Mais nous
pensons qu'il y a un biais dans ces enquêtes, car
les questions portent généralement sur
des cas de vie ou de mort comme la greffe d'organes. »
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Chercheuse : |
Mira Johri |
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