Une méthode d'analyse écologique adoptée
aux États-Unis
La méthode CPMV (pour « coordonnées
principales de matrice de voisinage »), mise
au point par des chercheurs québécois,
a récemment prouvé son efficacité dans
le travail d'analyse d'une grande étude américaine
en écologie lacustre. Que des chercheurs d'ici
aient pu venir en aide à des collègues
américains, dotés de puissants moyens de
recherche, peut surprendre. C'est pourtant ce qui s'est
produit lorsque Pierre Legendre et Daniel Borcard, du
Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie
et en environnement aquatique, ont aidé des chercheurs
américains à analyser leurs propres données.
Respectivement professeur et chargé de cours
au Département de sciences biologiques de l'Université de
Montréal, Pierre Legendre et Daniel Borcard sont
des spécialistes de l'écologie numérique,
un domaine où l'on effectue de l'analyse informatisée
de données écologiques. De 1984 à 1991,
des chercheurs américains ont amassé des
milliers de données, recueillies au cours de 154 échantillonnages à Little
Rock Lake, au Wisconsin. Leur recherche portait sur les
effets de l'acidification d'un lac sur les espèces
de zooplancton – organisme animal herbivore, carnivore
ou détritivore vivant dans les plans d'eau. Leurs
données concernaient 73 espèces de zooplancton
et 13 variables environnementales (conductivité,
acidité, taux d'azote, etc.). Or, ils ne possédaient
pas de méthode d'analyse globale des données
collectées. En juillet 2003, ils ont fait appel à Pierre
Legendre, dont la méthode d'analyse « multivariable » est
connue mondialement. M. Legendre est aussi l'auteur du
livre Écologie numérique, qui
a été le premier ouvrage à lier écologie
et méthodes d'analyse de données. Le volume,
qui a connu une diffusion internationale, en est aujourd'hui à sa
quatrième édition.
Pour mener à bien leur étude, les chercheurs
américains avaient choisi un lac formé d'un
détroit qu'ils avaient séparé en
deux bassins au moyen d'une barrière physique
temporaire. Une partie du lac a été acidifiée
graduellement à l'aide d'acide sulfurique (composé chimique
responsable des pluies acides) afin de hausser le pH
de l'eau, et l'autre a été laissée
telle quelle. Little Rock Lake devenait ainsi un laboratoire à ciel
ouvert qui permettait de comparer l'évolution
temporelle du zooplancton dans deux milieux voisins mais
de composition chimique différente.
Entre autres étapes, l'équipe Legendre-Borcard
devait vérifier si les communautés de zooplancton
réagissaient différemment dans le bassin
acidifié. Leur méthode a permis de déterminer
que les deux communautés avaient conservé une
activité et une dynamique communes. Le fonctionnement
global n'avait donc pas été perturbé.
La communauté du bassin acidifié s'est
toutefois adaptée aux changements. Ainsi, les
deux chercheurs ont pu confirmer l'efficacité de
leur méthode dans un contexte temporel. Une avancée
pour l'écologie.
Le laboratoire de Pierre Legendre accueille régulièrement
des chercheurs postdoctoraux. Ceux-ci portent un nouveau
regard sur ses problématiques de recherche et
tous les membres du laboratoire acquièrent ainsi
une expérience unique. Deux jeunes chercheurs
(Pedro Peres-Neto, qui possède une formation en écologie
numérique, et Stéphane Dray, formé en
biostatistique) travaillent actuellement à raffiner
la méthode.