Un sociologue dans mon assiette
« Les Québécois semblent avoir
une relation paradoxale avec leur alimentation, commente
Olivier Riopel , qui entame une maîtrise sur nos
habitudes alimentaires. D'une part on trouve des gens
qui passent le moins de temps possible devant leur cuisinière
et d'autre part la gastronomie ne s'est jamais si bien
portée. »
Ce paradoxe se vérifie sur les tablettes des
supermarchés. En 15 ans, les ventes de plats précuits
ou surgelés sont passées de 470 à 700
%, selon une étude récente du ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
du Québec. Parallèlement, les ventes de
légumes, de poissons et de fruits tropicaux ont
connu des hausses considérables, variant de 10 à 107
%.
Olivier Riopel ne cache pas sa passion pour la cuisine
; il a même hésité entre des études
universitaires en sciences humaines et une carrière
en restauration lorsqu'il était plus jeune. Aujourd'hui
bachelier en sociologie, il ne regrette rien. Même
qu'il tire beaucoup de plaisir à planifier le
menu de son prochain souper cinq services pour sa compagne
ou ses amis. Et pas de soupe poulet et nouilles en sachet
chez lui. « Prendre une pause pour faire mijoter
un potage aux légumes, ça me relaxe »,
dit l'étudiant de 23 ans.
Il est conscient d'être un cas rare parmi les étudiants,
mais il ne souffre d'aucun complexe. Au contraire, lorsque
son association étudiante a cherché des
activités de financement pour son bal de fin d'études,
l'an dernier, tous se sont montrés ouverts à sa
suggestion : vendre de petits pots d'huile d'olive
au basilic, de vinaigre aux épices, de miel au
romarin. « Notre rapport à l'alimentation
en dit long sur notre culture, explique l'étudiant,
qui a reçu une bourse de 17 500 $ du Conseil
de recherches en sciences humaines du Canada pour mener
ses travaux. En fait, je tenterai d'analyser le rapport
que les individus ont avec leur alimentation. J'observerai
la façon dont ils consomment, mais aussi la préparation
des repas. La question est de savoir comment on mange.
Mais je veux aussi savoir comment les habitudes alimentaires
se sont transformées au Québec au cours
des dernières années. »
Étrangement, la sociologie moderne est peu loquace
sur ce sujet pourtant intimement lié aux rituels
familiaux et aux relations interpersonnelles. M. Riopel
a bien trouvé quelques pages signées Pierre
Bourdieu et Max Weber, mais dans l'ensemble la sociologie
de l'assiette semble… sous-alimentée. Sa directrice
de thèse, Barbara Thériault (une spécialiste
de l'Allemagne), s'est pourtant montrée très
réceptive au projet du jeune homme. « Dans
un cours sur la théorie de la rationalisation
de Max Weber, Olivier avait présenté un
travail brillant sur le cas de l'alimentation. Nous avons
convenu ensemble qu'il y avait lieu de pousser cette
idée. J'en suis très contente »,
confie-t-elle à Forum express .
La méthodologie que privilégiera Olivier
Riopel sera une combinaison des approches quantitative
et qualitative. D'abord, il interrogera une douzaine
de personnes sur leurs habitudes alimentaires. Les volontaires
devront indiquer dans les moindres détails ce
qu'ils ont mangé pour déjeuner, dîner
et souper, et de quelle façon ces repas se sont
intégrés dans leur quotidien. Puis, au
cours d'entrevues, il essaiera de mieux comprendre l'importance
des habitudes culinaires dans leur vie.
Chercheur : |
Olivier Riopel |
Courriel : |
olivier.riopel@umontreal.ca |
Téléphone : |
(514) 343-6111,
poste 1-3693 |
Financement : |
Conseil de recherches
en sciences humaines du Canada |