À sa réunion du 31 août 1999, le conseil
d’administration de Phœnix International adopte
une clause prévoyant une prime de 4,13 M$ à son
nouveau dirigeant dans le cas où l’entreprise
serait acquise ou fusionnée. Moins de six mois plus
tard, Phœnix est avalée par une firme concurrente
et John Hooper, président du conseil et chef de
la direction, se retire avec sa prime.
Un cas rare? Pas du tout. Lorsque le président de
Biochem Pharma, Francesco Bellini, a vendu son entreprise à la
britannique Shire Pharmaceutical, en 2000, il a pris soin
de se doter lui aussi de ce qu’on appelle un « parachute
doré » (golden parachute). La clause prévoyait
que l’homme d’affaires toucherait trois fois
son salaire et diverses primes s’il concluait une
vente. Quand la transaction a été réglée,
il a empoché 5 M$ supplémentaires.
Selon Karine Houle, qui vient de déposer à HEC
Montréal une maîtrise sur la rémunération
des dirigeants, les chefs de 33 des 58 entreprises canadiennes
cotées à la Bourse de Toronto ayant été acquises
par une autre entreprise canadienne entre 1990 et 2000
avaient prévu de tels parachutes dorés. « C’est
un phénomène controversé dans le monde
des affaires, explique l’étudiante. Pour certains,
le parachute doré est une compensation accordée à des
dirigeants qui se retrouvent sans emploi le lendemain d’une
fusion ou d’une vente. Pour d’autres, il s’agit
plutôt d’une prime à la mauvaise gestion,
car ce sont souvent les sociétés en difficulté qui
font l’objet d’une acquisition. »
Les parachutes dorés peuvent prendre diverses formes.
La plus courante est la prime au salaire. Le mémoire
de maîtrise, qui porte sur les entreprises canadiennes
ayant été l’objet de transactions de
plus de 10 M$, indique que la moyenne de ces primes était
de 1,3 M$. Par ailleurs, l’octroi d’une option
d’achat d’actions est aussi très répandue.
Le dirigeant se voit offrir la possibilité d’acheter
et de revendre des actions de la firme si celles-ci prennent
de la valeur. En somme, il s’agit pour lui d’une
opération sans risque : si la valeur de l’action
chute, le dirigeant ne perd pas un sou.
Dans un contexte où l’on parle de plus en
plus de bonne gouvernance et de gestion éthique
des affaires, les dirigeants méritent-ils des millions
pour avoir conduit leurs entreprises à leur disparition? « Le
Canada ne possède aucune loi, actuellement, pour
contrôler ce type de politique, déplore Sylvie
Saint-Onge, professeure à HEC Montréal et
directrice de la maîtrise de Karine Houle. Même
la Commission des valeurs mobilières demeure muette à ce
sujet, se contentant de proposer des lignes de conduite. »
Chercheuse : Karine Houle
Direction : Sylvie Saint-Onge (sylvie.st-onge@hec.ca)
Téléphone : (514) 841-6749
Courriel : karine.houle@hec.ca