Bon nombre de femmes asthmatiques qui tombent enceintes
suspendent leur traitement contre l’asthme, souvent
avec l’approbation de leur médecin, afin de
prévenir les effets des médicaments sur le
fœtus. « Il semble qu’elles aient tort,
estime Lucie Blais, chercheuse à la Faculté de
pharmacie de l’Université de Montréal.
Une de nos études démontre que le problème
pour la santé viendrait de l’asthme non maîtrisé,
non de l’usage des médicaments. »
Depuis deux ans, l’épidémiologiste
mène des travaux sur les femmes enceintes qui souffrent
d’asthme. Grâce aux données de la Régie
de l’assurance-maladie, du ministère de la
Santé et des Services sociaux et de l’Institut
de la statistique du Québec, elle a recueilli de
l’information sur 21 000 femmes enceintes qui, entre
1990 et 2002, ont consulté un médecin au
Québec pour leur asthme ou ont acheté des
médicaments prescrits pour le traiter. Cet échantillon
est le plus vaste à avoir été établi à ce
jour sur le sujet. « Très peu de littérature
scientifique porte sur les risques et les bienfaits des
médicaments utilisés pour traiter l’asthme
pendant la grossesse, signale la chercheuse. Cela s’explique
: les recherches cliniques qui accompagnent la mise en
marché des médicaments excluent systématiquement
les femmes enceintes. C’est pourquoi nos connaissances
sont très limitées. » L’asthme
est pourtant une maladie chronique qui frappe de 7 à 10
% des femmes. Les rares études qui ont porté sur
les femmes enceintes asthmatiques ont révélé qu’elles
couraient un risque plus élevé de mettre
au monde des bébés de petit poids ou de souffrir
d’hypertension durant leur grossesse. Cette condition
est surveillée de près par les médecins
traitants, car l’hypertension peut mener à une
prééclampsie ou une éclampsie, des
troubles qui peuvent être mortels pour le bébé comme
pour la mère.
«
Notre étude a mené à un premier constat
inquiétant : l’hypertension de grossesse frapperait
30 % plus de femmes qui ont inhalé des corticostéroïdes
pendant la grossesse, observe Mme Blais. Mais l’analyse
des données nuance ce résultat. En réalité,
le risque est lié à la non-maîtrise
de l’asthme. Cela signifie que les femmes qui ont
cessé leur médication ou pour qui la médication
n’a pas d’effets risquent plus de souffrir
d’hypertension de grossesse. Celles qui maîtrisent
leur asthme grâce aux médicaments ne courent
pas plus de risques que les autres. »
Actuellement, quatre types de médicaments permettent
de maîtriser l’asthme : les corticostéroïdes
inhalés (Flovent), les bronchodilatateurs ou agonistes ß2 adrénergiques à courte action (Ventolin),
les ß2 agonistes adrénergiques à action
prolongée et les antileucotriènes. Ils sont
administrés par vaporisation (pompe), sauf les derniers,
pris sous forme de comprimés. La banque de données,
qui inclut un groupe témoin de 44 000 femmes non
asthmatiques, servira à des études épidémiologiques à long
terme puisqu’elle sera mise à jour tous les
deux ans. Au cours de la prochaine année, les études
de Lucie Blais porteront sur deux nouveaux aspects de la
condition asthmatique chez les femmes enceintes : l’incidence
des malformations congénitales et les effets de
la cessation du traitement.
Chercheuse : Lucie Blais
Téléphone : (514) 343-6111, poste 3786
Courriel : lucie.blais@umontreal.ca
Financement : Fonds de la recherche en santé du
Québec, Fondation canadienne pour l’innovation,
Instituts de recherche en santé du Canada