Relations ethniques

Les succès de l’ethnopsychiatrie

Un homme qui croit qu’un sorcier lui a jeté un mauvais sort n’est pas nécessairement paranoïaque ou mythomane. Surtout si cet homme a grandi dans un pays où le culte et les traditions vaudous sont répandus. Malheureusement, selon le Dr Jose Adolfo Segura, la grande majorité des spécialistes de la santé mentale ne sont pas adéquatement formés pour traiter des patients dont les croyances ou la culture sont différentes de celles du monde occidental.

Ce psychiatre d’origine chilienne a fondé en 1999 le Service d’ethnopsychiatrie de l’Hôtel-Dieu, du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Chaque année, il traite des dizaines d’immigrants aux prises avec des problèmes de santé allant des simples difficultés d’adaptation au pays d’accueil à la dépression majeure. Tout en demeurant à l’écoute de la souffrance de ses patients, le Dr Segura s’imprègne du cadre culturel dans lequel ceux-ci évoluent.

É tonnamment, les patients du Dr Segura sont rarement des personnes seules. Ce sont plutôt des familles entières qui le consultent. « Généralement, les immigrants ne sont pas individualistes comme on l’est en Amérique du Nord, explique le clinicien-chercheur. Lorsqu’un des leurs est malade, c’est toute la famille qui participe à la guérison. » C’est peut-être pour cette raison que le Dr Segura se déplace volontiers au domicile de ses patients plutôt que de se limiter à son cabinet. Pour mettre au point son approche thérapeutique, le Dr Segura s’est inspiré des rites chamaniques des Mapuche, un groupe aborigène du sud du Chili. « Le chaman se rend chez le patient et construit un espace sacré à l’aide de branches. Lorsque la thérapie est terminée, les branches sont retirées et la vie reprend son cours normal », explique le psychiatre.

Il est bien sûr impensable de construire un abri semblable dans les maisons du Québec. Qu’importe! Le Dr Segura a conçu un dispositif qu’il nomme « espace thérapeutique à la maison ». En somme, il s’agit d’une nappe de plastique ronde qu’il installe dans une pièce de la maison pour la durée du traitement. Les thérapies durent, en moyenne, de 6 à 12 mois, à raison d’une rencontre toutes les trois ou quatre semaines.

Soucieux de respecter les occupants de la maison, le Dr Segura demande à ceux-ci de choisir la pièce dans laquelle l’espace thérapeutique sera installé. La pièce choisie varie selon la culture : salle à manger, cuisine, sous-sol, salon… Certaines familles optent pour le plancher de la salle familiale. « Grâce au choix d’un espace consacré à la thérapie, je peux conserver mon autorité de thérapeute. Autrement, lorsque la tension monte, la famille transforme le thérapeute en invité. On change de sujet, on me demande si je veux un café, du coup on ne peut plus travailler. » Au centre de l’espace thérapeutique, le Dr Segura appose des cartons sur lesquels les membres de la famille dessinent. À travers les images et la parole, les participants parlent de leurs problèmes, de leurs émotions, de leur culture, de leurs croyances, de leur nostalgie, de leur perception du Québec, etc.


Chercheur : Jose Adolfo Segura
Téléphone : (514) 890-8000, poste 14390
Courriel : jose.adolfo.segura@umontreal.ca

 

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