« Pour nous, la gang, c'est la famille. La confiance
en moi, c'est la gang qui me l'a donnée. » Ainsi
s’exprime Million, le chef des Bad Boys, dans une
entrevue à la journaliste Christiane Desjardins,
de La Presse, le 3 novembre 1999. « Abandonné par
son père à 11 ans, Million s'est joint à un
gang de rue à New York, puis il est venu à Montréal,
où il est devenu chef des Bad Boys, un groupe qui
s'en allait à la dérive il y a quelques années.
Il a restructuré le gang, dont le noyau dur compte
maintenant une dizaine de fidèles “à la
vie à la mort”», écrit la journaliste.
Cet extrait illustre bien la façon dont les médias écrits
abordent la question des gangs de rue au Québec. « Les
journaux québécois couvrent de manière
réaliste les activités criminelles des gangs
de rue. Les voies de fait et les homicides comptent évidemment
pour une forte proportion des articles, mais on parle aussi
du fait de société, on tente de comprendre »,
explique Alexis Dusonchet au terme d’une étude
sur l’image des gangs de rue dans les médias
québécois.
Pour sa maîtrise, le jeune homme a rassemblé 306
articles sur les gangs de rue parus entre 1995 et 2000
dans La Presse, Le Journal de Montréal et Le
Devoir.
Après un savant travail d’analyse basé sur
143 variables, il trace un tableau plutôt positif
du traitement du phénomène dans le contexte
nord-américain. « Aux États-Unis, on
observe une nette tendance à la surmédiatisation
des crimes contre la personne commis par les jeunes, surtout
les meurtres. Cela atteint des proportions démesurées.
Au Québec, rien de tel », explique l’étudiant.
«
Les médias américains, particulièrement
les journaux, ont toujours représenté le
phénomène comme étant en perpétuelle
croissance, sans cesse plus grave, au point même
de déclencher plusieurs crises ou paniques morales,
peut-on lire dans le mémoire de M. Dusonchet. Les
journaux montréalais accordent en contrepartie très
peu d’importance aux divers aspects de l’évolution
du phénomène (11,4 % des articles du corpus).
Une comparaison d’un autre ordre permet de confirmer
cette impression […] : le nombre d’articles
parus sur le thème des gangs dans le Honolulu
Star Bulletin a augmenté de 4000 % entre 1987 et 1996,
et celui des quotidiens américains en général
de 3600 % entre 1983 et 1994. Le taux de parution dans
la presse montréalaise des articles ayant pour objet
les gangs a au contraire évolué en dents
de scie. Et alors que les médias américains
ont souvent prétendu que les gangs étaient
de plus en plus nombreux, dangereux, violents et mieux
armés […], les journaux de la région
de Montréal demeurent au contraire assez discrets
sur le sujet. »
Destinées à faire exploser les cotes d’écoute
sur les grands réseaux américains, les émissions
comme 24 Hours, Dateline, Cops et d’autres transmettent
une image déformée des gangs de rue. « Les
jeunes y sont présentés comme des psychopathes
dangereux, des tueurs et des criminels sanguinaires. Il
faut savoir que les meurtres constituent moins de 1% des
crimes, tant au Canada qu’aux États-Unis. »
Chercheur : Alexis Dusonchet
Téléphone : (514) 947-4302
Courriel : adusonchet@hotmail.com